Jubilé du Père Jean-Marie BONNIEZ

BonniezC’est le dimanche 24 avril 2016, que notre ami Jean-Marie Bonniez de la 49ème promotion de l’EPIL, a fêté ses 40 ans d’ordination sacerdotale. Vous trouverez ci-dessous l’homélie qu’il a prononcée à cette occasion :

“Dans un monde où tout change très vite, je voudrais partager avec vous ce que signifie pour moi : être prêtre ! Autrefois, avant les années 1960, les prêtres étaient souvent considérés comme des personnes à part, des hommes de Dieu, des hommes du sacré. On ne percevait pas beaucoup leur humanité d’homme : leurs sentiments affectifs, leurs émotions, leurs peurs, leur tristesse ! Avaient-ils des besoins, des désirs comme tous les autres hommes ? À cause du port de la soutane, leur humanité restait bien souvent cachée !
Au cours du XXème siècle, cette perception du prêtre a progressivement évolué. Les guerres, les camps de prisonniers, puis les activités des jeunes vicaires, les patronages, les camps d’adolescents, les mouvements de jeunes, tout ceci a favorisé un réel changement. Ces jeunes prêtres, qui avaient passé toute leur jeunesse dans des petits et grands séminaires, étaient très surpris de découvrir dans certains de nos quartiers un autre monde, un monde déchristianisé, un monde que l’Église n’a jamais vraiment réussi à rencontrer.
La parution en 1943 du célèbre livre : “France, pays de mission”, fut pour de nombreux prêtres une véritable révélation. Comment pouvaient-ils rejoindre ces milieux, se faire proches de ces personnes, devenir de vrais compagnons de route, s’ils étaient perçus comme des personnes à part, séparées des autres, voire au-dessus des autres !
Pour que ces hommes et ces femmes puissent entendre la Bonne Nouvelle de l’Évangile, certains de ces prêtres ont alors manifesté le désir de partager le travail souvent très dur des ouvriers de cette époque. Ils ont choisi de devenir leur camarade de travail et d’habiter au milieu d’eux dans le même quartier. Parmi ces prêtres, je voudrais ce matin évoquer deux visages que j’ai connus et qui m’ont marqué.
Le premier, c’est le Père Jacques Loew, un Dominicain. Il a travaillé, dès 1941, pendant trois années, comme Docker à Marseille. C’est peut-être le premier prêtre-ouvrier de France. En 1964, il a écrit un très beau livre qui m’a beaucoup nourri : « Comme s’il voyait l’invisible, Portrait de l’apôtre d’aujourd’hui » !
Pour lui, l’apôtre est quelqu’un qui voit, qui perçoit Dieu à l’œuvre dans la vie des hommes et qui collabore à son oeuvre !
Même en 1964, les prêtres n’étaient pas souvent considérés comme des apôtres de l’Évangile ! Et pourtant, c’est bien dans ce but que je suis entré au séminaire de Merville en octobre 1968 : pour permettre à beaucoup d’autres de connaître Jésus ! « Connaître Jésus, c’est tout » disait le père Chevrier, le fondateur du Prado !

Le deuxième visage fut celui de mon aumônier de la JOC, le Père Jean-Marie Six, un prêtre du diocèse de Lille, qui a vécu toute sa vie dans ce doyenné des rives de la Deûle. Dans l’année qui a suivi les célèbres événements de 68, il demanda à notre évêque, le Père Gand, d’entrer au travail. Il y resta jusqu’à sa retraite.
Vous connaissez sans doute cette parole du fondateur de la JOC : « La vie d’un jeune travailleur vaut plus que tout l’or du monde ». Cette parole a animé toute sa vie ! Une flamme d’amour et de tendresse pour les petits et les pauvres brûlait vraiment dans son coeur de prêtre. Le Père Jean-Marie Six était un homme plein d’humanité ! Il m’a beaucoup appris à aimer !
Rappelons-nous ces paroles de l’évangile : « Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. »
Cet Amour, qui consumait le coeur de Jésus, ne devrait-il pas aussi brûler dans le coeur de tout chrétien, et a fortiori de tous les prêtres ? C’est vrai, mais alors, si les prêtres ne sont plus des hommes à part, s’ils travaillent comme nous, s’ils sont semblables à tous les autres hommes, s’ils sont aussi, comme tous les autres hommes, faibles et fragiles, en quoi sont-ils différents des autres hommes ?
Cette différence vient de l’appel que le Seigneur m’a un jour adressé ! Un jour, j’ai ressenti cet appel. Cela a commencé en 1967, j’étais encore à l’EPIL ! Cet appel, je l’ai laissé mûrir lentement dans mon cœur avant de m’en ouvrir, puis je suis entré au séminaire.
Après 8 années de formation et de réflexion, dont deux années de travail à Dunkerque, cet appel a été reconnu et authentifié par l’Église et le Père Gand a choisi de m’ordonner prêtre au service de notre unique Bon Pasteur et de son Église. Et le jour de mon ordination, le 24 avril 1976, il y a quarante ans, j’ai reçu une grâce spéciale : la grâce du sacrement de l’ordre !
Ainsi ma différence réside dans cet appel du Seigneur, dans ce choix de l’Église de m’ordonner prêtre pour être au milieu des hommes le Signe de la Présence de Jésus, et dans cette grâce spéciale qui me configure au Christ, le Bon Pasteur, et qui me permet d’agir en son nom.
Le soir de mon ordination, j’étais donc à la fois toujours le même jeune homme de 26 ans, et en même temps mon être profond était changé. J’étais devenu un prêtre et j’étais reconnu par vous comme un prêtre, appelé à être le signe de ce Bon Pasteur qui est Jésus Lui-même !
Alors cette image du Bon Pasteur qu’évoque-t-elle pour nous ? Que pouvons-nous attendre d’un prêtre ? Cette image du Bon Pasteur nous parle d’un homme au cœur plein de bonté, de compréhension, d’amour des pauvres et de miséricorde ! Pensons à notre pape François ! C’est la chose la plus importante ! Un bon Pasteur se reconnaît à son amour pour ses brebis ! Il est prêt à donner sa vie pour elles !
Le bon Pasteur prend aussi soin de ses brebis, il veille sur elles ; si elles sont blessées, il les soigne ; il les conduit vers de frais pâturages, vers les sources d’eau vive, il les nourrit ! Le soir venu, il les rassemble, il les compte, il les appelle chacune par son nom, et si par malheur il en manque une, il part à sa recherche jusqu’à ce qu’il la retrouve ! Et tout joyeux, il la ramène sur ses épaules !
Pour vivre cette belle mission, le Seigneur m’a donc donné le jour de mon ordination une grâce spéciale ! Mais, comme je le dis souvent aux catéchumènes, encore faut-il que je laisse cette grâce me pénétrer, m’envahir, m’imprégner et me transformer à l’image de ce Bon Pasteur qui est Jésus lui même ! Comment pourrais-je aimer tous mes frères comme Jésus les aime sans cette grâce ? Comment pourrais-je incarner cet amour de Jésus dans mon humanité sans cette grâce ? Après ma mère, après le père Jean-Marie Six, une autre personne m’a beaucoup aidé, c’est la petite Thérèse. Si Dieu est à l’œuvre dans nos vies, la petite Thérèse m’a appris à reconnaître la douce main de ce bon Pasteur qui nous conduit ! Ceci est très important ! Comment pourrais-je vous aider à vous laisser conduire par ce bon Pasteur, à reconnaître son œuvre dans votre vie, si je n’en fais pas moi- même l’expérience !
Le curé d’Ars, Saint Jean-Marie Vianney, a dit au jeune garçon qu’il avait rencontré : « Tu m’as montré le chemin d’Ars, je te montrerai le chemin du Ciel ! », c’est-à-dire le chemin qui conduit à la plénitude de la vie ! C’est vers ce Royaume de paix et d’amour, c’est vers la maison de ce Père qui nous a créés et qui nous aime avec une infinie tendresse que Jésus, le bon Pasteur voudrait nous conduire ! Et c’est pour collaborer avec Lui à cette œuvre qu’il m’a choisi et répandu dans mon cœur de prêtre son Esprit ! Ainsi ma mission est de vous conduire à Jésus et Lui vous conduira vers son Père et notre Père ! Rappelons-nous la seconde lecture : « Moi, Jean, j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, Et j’entendis une voix qui disait : Voici la demeure de Dieu avec les hommes ; Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur ! » Quelle joie de savoir qu’un jour nous allons revoir tous ceux et toutes celles que nous avons connus et aimés dans la maison du Père !
Dans ce monde où tant d’hommes et de femmes ont perdu le goût de vivre ou ne trouvent plus un sens à leur vie, conduisons-les vers Celui qui a dit : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le poids du fardeau et vous trouverez le repos, car je suis doux et humble de Coeur. » Oui, allons vers ce bon Pasteur, ouvrons-lui notre cœur tel qu’il est, et laissons ce bon Pasteur nous aider à nous réconcilier avec nous-mêmes, à nous réconcilier avec les autres et à nous réconcilier avec son Père. Tel est le sens de notre ministère : un ministère de réconciliation ! Voilà ce qui me donne de la joie et qui me fait vivre encore aujourd’hui !”

Jean-Marie BONNIEZ
Au monastère Notre Dame de la plaine à Saint André,

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